Voici un rare et splendide objet qui figure dans les collections du Musée national de la Marine et mériterait d'être exposé tant il vante les plus hautes qualités de certains officiers de notre marine militaire, Marine royale à l'époque, Marine de la République puis Marine impériale, et enfin Marine nationale aujourd'hui.
Depuis l'instauration de la dignité d'Amiral en 1830 par le Roi des Français Louis-Philippe, il y a eu peu d'Amiraux. Citons les : Duperré (1830), Truguet (1831), Roussin (1840), Mackau (1847), Baudin (1854), Hamelin (1854), Parseval-Deschenes (1854), Bruat (1855), Romain-Desfossés (1860), Rigault de Genouilly (1864), Charner (1864), Tréhouart (1869). Depuis, rien... La Marine nationale n'a participé à aucune bataille mettant en oeuvre une armée navale.
Sur les Amiraux, le lecteur pourra relire l'article que nous y avons consacré au bas de la page https://www.marins-traditions.fr/officiers-de-marine
Né à La Rochelle en 1775, Victor-Guy Duperré commença à naviguer à l'âge de seize ans. Timonier sur une corvette en 1793, il devint enseigne de vaisseau en 1795. Embarqué sur une frégate, il fut fait prisonnier lors d'un combat contre un vaisseau et deux frégates ; il ne revit la France qu'en 1800. Peu de temps après, il obtint son premier commandement, celui de la corvette La Pélagie sur laquelle il fut promu lieutenant de vaisseau, donnant satisfaction lors de missions de protection de convois le long des côtes, en Afrique et aux Antilles. Il fit une campagne à bord du vaisseau Le Vétéran commandé par Jérôme, le frère de l'Empereur.
Promu capitaine de frégate en 1806, il prit le commandement de la frégate La Sirène et soutint un combat très courageux non loin de Groix, sauvant son bâtiment et le ramenant à Lorient. Il en fut récompensé par une promotion au grade de capitaine de vaisseau.
Commandant de la frégate La Bellone en 1808, il vogua vers l'océan Indien en faisant de nombreuses prises. Avec Bouvet, il participa au combat naval victorieux de Grand-Port (île de France, île Maurice aujourd'hui).
En 1811, Duperré fut promu contre-amiral et placé à la tête de l'escadre légère de l'armée navale de la Méditerranée, sous les ordres du vice-amiral Emériau, avec pavillon sur le vaisseau Le Sceptre. Puis il fut nommé en 1812 au commandement des forces navales françaises et italiennes dans l'Adriatique. En 1813-1814, il fut chargé de la défense de Venise.
Pendant les Cent-Jours, il fut préfet maritime à Toulon. Sa disgrâce au début de la seconde Restauration fut d'assez courte durée, car en 1808 il fut désigné au commandement de la station navale des Antilles. Après une courte mission d'inspection en 1822, le ministre l'envoya devant Cadix y prendre le commandement de l'escadre ; il y obtint la reddition de la place.
Récompensé par le grade de vice-amiral, il rallia Brest en 1824 pour y prendre la tête de l'escadre d'évolutions. En 1826 suivit le commandement en chef des forces navales réunies aux Antilles alors que la sécession des colonies espagnoles introduisait beaucoup de désordre dans le commerce maritime.
De 1827 à 1830, il exerça la fionction de préfet maritime à Brest. En février de cette dernière année, il fut appelé à Paris dans le cadre de la préparation d'une expédition projetée contre Alger. Le 18 mai, il embarqua avec le général en chef comte de Bourmont à bord du vaisseau La Provence, comme chef de la composante navale de l'expédition : 103 bâtiments du Roi et 572 navires du commerce emportant plus de 37 000 hommes et 4 800 chevaux. La flotte débarqua les troupes à partir du 14 juin, puis les appuya à terre de ses canons, bombardant en particulier la ville et les forts d'Alger.
Une ordonnance du 13 août le nomma pair de France et Amiral. Le ministre lui écrivit alors : "Je suis chargé, Monsieur l'Amiral, de vous transmettre deux ordonnances auxquelles je m'estime heureux d'avoir pu concourir. La première rétablit, dans la Marine, le grade d'Amiral, qu'elle assimile en tous points au grade de Maréchal de France. Par la seconde, le Roi vous élève à cette dignité."
Sur les deux portraits ci-dessous, appartenant aux collections du MnM, Duperré est en grand uniforme. Sur le premier, rien n'indique qu'il est amiral, car on ne distingue pas ses trois rangs de broderie au collet et aux parements. Pourtant, l'obélisque de la Concorde en arrière plan ayant été érigé en 1836, cette dignité lui avait déjà été conférée. Sur le deuxième portrait, Duperré est bien Amiral, l'arrière plan montrant l'expédition d'Alger au succès de laquelle il avait particulièrement contribué. On y observe bien les trois rangs de broderie caractéristique des Maréchaux et Amiraux et l'épée du modèle 1819 avec ses plaquettes en nacre.
Il est étrange que sur ces deux portraits en grand uniforme Duperré ne dispose que du chapeau dit "de tenue", c'est-à-dire uni noir, mais orné d'une plume blanche frisée, à laquelle alors seuls les amiraux avaient droit. Le chapeau de cérémonie devrait être sans plume mais bordé d'un galon or.
Enfin, sur le dessin de Maurin ci-dessous, on peut observer les sept étoiles et les deux bâtons croisés sur le corps des épaulettes.
Le Musée de l'Armée expose le bâton de l'Amiral Truguet. Pourquoi le Musée de la Marine n'exposerait-il pas celui de l'Amiral Duperré ?
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