Nous commentons aujourd'hui deux photos issues de la collection de la BNF (Gallica).
Ces clichés ont été pris le 8 août 1904, à l'occasion du départ de la course de canots automobiles sur la traversée Calais - Douvres, en présence de Camille Pelletan, le ministre de la Marine et de sa jeune épouse. Cette course, organisée par l'Automobile Club de France, mit en compétition des bateaux anglais, belges, allemands et français. Le plus rapide fut le canot Mercedes IV qui effectua la traversée en 1 heure et 7 secondes.
Pelletan fut ministre de la marine de juin 1902 à janvier 1905, dans le cabinet Combes. C'était un partisan des théories de la Jeune Ecole, multipliant le nombre des torpilleurs et des sous-marins, au détriment des cuirassés dont il freina la construction. Il ne laissa pas un bon souvenir dans l'institution du fait de ces choix hasardeux, mais aussi de ses mesures en faveur d'une plus grande ouverture de la marine vers les couches sociales moins favorisées. Dans le domaine de l'uniforme, on lui doit la suspension de 1903 (décret du 4 août) à 1912 du port du grand uniforme avec habit brodé par les officiers subalternes et supérieurs, cet effet étant jugé trop dispendieux pour des officiers sans fortune et dont le seul revenu était la solde, alors très modeste.
Ce jour-là, la marine assurait la sécurité de la course, comme il est d'usage aujourd'hui lors des grands événements nautiques, ici avec le contre-torpilleur Durandal dont on peut mesurer la taille et estimer l'inconfort en Manche et en mer du Nord. Et les torpilleurs de l'époque étaient encore plus petits !
Basé à Dunkerque, ce contre-torpilleur de seulement 300 tonnes et 58 mètres de longueur faisait partie des défenses mobiles de la mer du Nord que le gouvernement avait décidé d'installer dans de nombreux ports, et en particulier à Calais en 1898. Torpilleurs simplement numérotés et contre-torpilleurs, également de faible tonnage, constituaient face à l'Angleterre – le souvenir de Fachoda était encore très frais – une poussière navale aux faibles qualités nautiques compte tenu des conditions de navigation en mer du Nord. En 1904, Pelletan décida de baser également à Calais des sous-marins, dont le Pluviôse qui devait être perdu corps et biens à l'issue d'un éperonnage accidentel au large des jetées par un paquebot le 26 mai 1910.
Pour l'heure, le Durandal, avec la nombreuse délégation ministérielle, s'apprête à accoster. Le commandant, lieutenant de vaisseau décoré de la Légion d'honneur, est à la manoeuvre sur sa passerelle découverte ; c'est presque un perchoir, mais dans la situation actuelle elle le met à l'écart de l'agitation qui règne sur le pont. A ses côtés opère un second maître pilote, reconnaissable à ses ancres croisées au collet. Cette photo plongeante montre la faible largeur du bâtiment et surtout la forme de sa coque qui devait le rendre particulièrement inconfortable par mer formée.
D'après le titre du cliché, Pelletan y examine un canon revolver de 47 mm. A gauche de la photo, un second maître, appuyé sur une filière, nous montre ses galons de fourrier, en haut des manches.
Sur la deuxième photo, le ministre quitte le bord. Le commandant, ayant salué une passagère, a encore sa casquette à la main. Un piquet d'honneur a été mis en place, avec un clairon qui s'apprête à jouer "Aux Champs", conformément au décret du 20 mars 1885 sur le service à bord ; les hommes en armes vont être mis au "Portez". L'équipage a été rassemblé sur le pont.
A gauche du cliché, on distingue un homme avec casquette blanche et vêtements clairs en toile ; il s'agit probablement du premier maître chef machine. Et dans la suite ministérielle, un lieutenant de vaisseau aide-de-camp, reconnaissable à ses aiguillettes.
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