Les photographies ci-dessous sont issues de la collection personnelle de M. Bernard Ollive que nous remercions. Son grand-père, Emmanuel Ollive, était alors capitaine de vaisseau et le chef d'état-major de l'escadre placée sous les ordres du vice-amiral Jules Théophile Docteur.
Après avoir été directeur du personnel militaire de la Flotte, Docteur avait succédé au vice-amiral Hippolyte Violette au commandement de l'escadre de la Méditerranée, qui était constituée autour des cuirassés les plus récents et devenue 1re escadre en 1928 (la 2e comprenant des croiseurs et la 3e des cuirassés anciens accueillant les écoles de spécialité), avec pavillon à bord du cuirassé Provence.
Sur la photo ci-dessus, il est entouré, assis de gauche à droite, du commissaire en chef Richard-Foy, du capitaine de frégate Bouxin, le spécialiste de l'artillerie de l'escadre, de ingénieur mécanicien en chef Gauch, du capitaine de vaisseau Ollive, du médecin en chef Merleau-Ponty, du capitaine de frégate Jarry, 1er sous-chef d'état-major, et de l'ingénieur en chef du génie maritime Herck. Notons qu'un état-major embarqué disposait alors de représentants des principaux corps assimilés. Parmi les officiers debout figure même un ingénieur d'artillerie navale, preuve que les officiers des corps assimilés méritaient bien à l'époque (à l'exception des corps assimilés secondaires dits "de gestion et d'exécution") le qualificatif de "corps navigants" (sauf les inspecteurs de l'inscription maritime qui n'avaient pas vocation à embarquer, mais émanaient du corps des commissaires qui eux l'avaient).
Bien qu'en noir et blanc, les parements de velours au bas des manches sont bien visibles. La tenue portée est la n°3 avec redingote définie en 1923, puisque les officiers ne sont pas armés du sabre ou de l'épée. Il est remarquable de constater que seuls les officiers de marine de l'état-major portaient les aiguillettes distinctives de cette appartenance, ce qui est conforme au règlement. Le cliché a été pris après le 28 décembre 1928, date de l'adoption de l'écusson de casquette des officiers généraux.
Docteur fut un chef apprécié, avec du caractère, et qui ne mâchait pas ses mots. Avant même de quitter l'escadre et la 1re section des officiers généraux, il n'épargna pas de ses critiques ses chefs et le ministre Georges Leygues.
Dans une lettre de Docteur au vice-amiral Violette le 9 mai 1928, alors que ce dernier exerçait les responsabilités de chef d'état-major général de la Marine, il écrivit au sujet du ministre que "les questions militaires le préoccupent peu" et estimait que le cabinet flattait "sa sénile vanité"...
Lors de la revue navale du 3 juillet 1928 au Havre, il critiqua la décision de la Marine d'y faire participer de très nombreux et anciens bâtiments ("toutes les raclures des arsenaux"), alors qu'il militait pour n'y présenter que les bâtiments modernes.
En 1930, le vice-amiral Docteur, désormais en 2e section et toujours astreint au devoir de réserve, affirma dans un article du journal Le Matin du 9 mai – il était alors président du Conseil d'administration de ce journal qui allait glisser vers un nationalisme intransigeant – qu'aucun des croiseurs de la 1re escadre ne serait en mesure de combattre efficacement les nouveaux cuirassés allemands qui faisaient une croisière en Méditerranée. C'était une mise en cause radicale des décisions politiques passées. Darlan, alors au cabinet du ministre Dumesnil, et pourtant ami de Docteur – ils échangerons une correspondance importante jusqu'à sa mort, en décembre 1942 –, lui reprocha le caractère excessif et irresponsable de son article...
Sur la photo ci-dessus, qui a été prise avant le 14 janvier 1928 (date de son élévation à la dignité de Grand Officier de la Légion d'honneur), remarquons l'ancien modèle de casquette avec ancre et foudres brodés sur la toque, en service jusqu'au 28 décembre 1928, et avec la soutache des commandants en chef). Docteur est ici en tenue n°1 de 1923 (en tenue provisoire de cérémonie, la casquette était remplacée par le bicorne).
A 73 ans en 1941, le vice-amiral Docteur se mit à la disposition de Vichy en faisant partie du Conseil national et en devenant président du Comité provisoire de la Marine marchande jusqu'en avril 1942. Mais il ne fut pas poursuivi à la Libération compte tenu du faible niveau de sa participation au sein de l'administration de l'Etat français.
Le capitaine de vaisseau Ollive, chef d'état-major de Docteur, avec qui il entretint une correspondance suivie des années durant, est ci-dessous en tenue n°3 avec veston. Notons qu'à l'époque les rappels (barrettes) de décorations, bien qu'introduits en 1917, étaient encore assez rarement portés sur le veston, les officiers préférant la rosette et le mini-ruban à la boutonnière. Mis à part ce détail, l'uniforme avec veston de cette époque est très proche de celui d'aujourd'hui, à l'exception de la casquette à coiffe bleue.
Emmanuel Ollive termina sa carrière de marin comme inspecteur des forces maritimes (amiral 5 étoiles) ; il fut placé en 2e section le 18 janvier 1943, se maintenant à l'écart de toute implication politique.
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