Alors que le directeur du musée de la marine va prochainement être remplacé, après la fin des travaux qui vont aboutir à la réouverture de ce beau musée prévue le 27 novembre prochain, il est intéressant de se pencher sur la vie du vice-amiral François-Edmond Pâris qui exerça cette fonction de directeur, de conservateur disait-on à l'époque, du musée de la marine, alors au Louvre, de 1871, année de la fin de son activité dans la marine, jusqu'à sa mort en 1893, d'autant que nous avons trouvé une photo originale et moins courante de ce grand marin.
Né en 1806 à Paris, François-Edmond passa quelques années de sa jeunesse sur la côte adriatique, son père étant secrétaire du gouvernement des provinces illyriennes. Après avoir préparé au collège de Pontivy, il fut admis au Collège royal d'Angoulême puis commença ses embarquements en 1822 comme élève de 2e classe.
Ayant reçu des cours du peintre de marine Gilbert, il rapporta des albums d'aquarelles et de croquis de ses croisières, notamment de son voyage dans les archipels de l'Océan Pacifique avec Dumont-d'Urville à bord de la frégate Astrolabe.
Il fut affecté au Dépôt des Cartes. Ayant un goût prononcé pour les sciences et la technique, la Marine l'envoya en Angleterre pour étudier l'adaptation des machines à vapeur sur les navires.
Son premier commandement fut la corvette à roues Castor. Puis il fit un nouveau tour du monde avec le capitaine de vaisseau Laplace sur la frégate Artémise. Lors de cette campagne, en escale à Pondichéry, il visita l'établissement de Porto-Novo dans laquelle était mise en oeuvre une machine à vapeur. Au cours de cette visite, il tomba et voulant se relever mit la main gauche dans un dispositif en mouvement. Sa main fut broyée et il fallut l'amputer. Lors d'une escale suivante, un armurier astucieux lui fabriqua une sorte de manchon pour lui permettre de se servir encore de son bras gauche, en particulier pour les observations scientifiques.
En 1843, capitaine de frégate, il reçut le commandement de la frégate à roues Infernal puis de la corvette à vapeur Archimède, avec laquelle il poussa jusqu'en Chine. Il fut promu capitaine de vaisseau en 1846 et Louis-Philippe lui confia le commandement de son Yacht, le Comte d'Eu.
Son commandement suivant fut celui de la frégate à roues Gomer, en 1848, puis d'une nouvelle frégate à roues l'Orénoque, avant celui du vaisseau à vapeur Fleurus à la tête duquel il participa à la guerre de Crimée. Son bâtiment sortit sain et sauf de la fameuse tempête du 11 novembre 1854. Sa conduite signalée lui valut une promotion au grade de commandeur de la Légion d'honneur. En 1855/56, il fut placé à la tête d'une division dans le fleuve Dniepr après la bataille de Kinburn.
Pâris fut promu contre-amiral le 7 novembre 1858 et fut alors désigné major général à Brest. Trois ans plus tard, il commandait la 3e division de l'escadre de la Méditerranée.
C'est dans le grade de contre-amiral qu'il fut photographié ci-dessous. Un cliché un peu étrange car il y figure en petite tenue, alors qu'habituellement on se rend chez le photographe dans son plus bel uniforme : sur l'habit non brodé, les marques de grade figurent seulement sur les épaulettes, même si on les retrouve sur les glands de la ceinture de commandement et de la dragonne ; bicorne à galon noir (non or) et plume noire.
En 1864, il fut nommé directeur du Dépôt des cartes et plans et promu vice-amiral ; l'année suivante, il devint membre du bureau des longitudes. Il était membre de l'Institut depuis 1863.
On lui doit de nombreux ouvrages :
Essai sur la construction navales des peuples extra-européens;
Dictionnaire de la marine à vapeur;
Catéchisme du marin et du mécanicien à vapeur;
Traité de l'hélice propulsive;
L'utilisation économique des navires à vapeur;
L'art naval;
Dictionnaire de la marine à voile (élaboré avec son beau-père, le capitaine de vaisseau Bonnefoux);
et des albums :
Nos souvenirs de Kil-Bouroun (Kinburn);
Travaux d'hydrographie et d'archéologie navale (voyage avec Dumont d'Urville);
Croquis et vues de Jerusalem;
Souvenirs de marine.
Sa désignation à la tête du musée de la Marine était donc toute naturelle après la guerre de 1870-71, pendant laquelle il fut directeur général du dépôt des cartes de la marine, dans Paris encerclé par les Prussiens.
La photo ci-dessous est très connue. Elle fut prise à la fin de sa vie, cette fois en grand uniforme de vice-amiral (habit brodé, avec deux rangs de broderie aux parements et au collet). La plume de son chapeau monté à galon or est toujours noire, puisque Pâris n'a jamais exercé les responsabilités de commandant en chef. Il est cependant ceint du cordon de Grand' Croix de la Légion d'honneur, dignité à laquelle il accéda le 12 juillet 1880.
Vingt-deux ans à la tête de cette belle institution... Nous le voyons ci-dessous à la tâche, au musée.
Le Musée national de la Marine en conserve naturellement d'importants souvenirs, notamment le buste ci-dessous, sculpté par Alexandre-Joseph Oliva en 1879 (dit le site du MnM, référence 41 OA 46) où il est représenté avec les insignes de Grand Officier de la Légion d'honneur dont la médaille ordonnance comporte encore la couronne impériale, donc entre le 14 mars 1869, date de son élévation à cette dignité, et le 4 septembre 1870, date de la chute de l'empire. Il est d'ailleurs étonnant que la date de cette oeuvre soit 1879 ; 1869 serait plus cohérent.
L'amiral Pâris fut donc un officier de marine complet, marin, militaire, ingénieur et artiste. Il nous a laissé une somme qui force le respect...
une carrière exceptionnelle dans une époque qui ne l'était pas moins