Voici une magnifique photo de quelques marins ayant défendu la capitale lors de son siège par les Allemands du 18 septembre 1870 au 28 janvier 1871. Elle appartient à la collection du Musée national de la Marine.
Si l'identification de certains des hommes photographiés est exacte, le cliché fut pris après le 10 février 1871, jour où le matelot Ferdinand Roze, debout à gauche, reçut la Médaille militaire. Bien que figure debout au milieu un matelot fusilier, le Chassepot à la main, on pourrait presque dire que voici quelques "fils d'archevêque" qui n'ont cependant aucunement démérité, comme tous les marins au cours de ces quatre mois et demi bien difficiles.
En effet, à côté de Roze, fils du baron vice-amiral préfet maritime de Cherbourg, se trouvent assis à droite Cyprien Georges Dupuy de Lôme, fils de l'inspecteur général du génie maritime en retraite, et au centre le lieutenant de vaisseau Félix Charles Edmond de la Panouse, entré à l'Ecole navale en 1852, fils du comte César de la Panouse, inspecteur général des chemins de fer.
Les matelots Roze et Dupuy de Lôme sont de récents marins, engagés pour le temps de la guerre dès les premiers échecs de l'armée impériale.
Cette photo est très intéressante sur le plan des uniformes, et particulièrement pour les coiffures des matelots. Certains des bonnets, bien que presque informes – c'est normal s'agissant de coiffures tricotées – portent en effet un ruban avec la légende Louis XIV, disposition contraire aux règlements régissant l'uniforme. L'arrivée du ruban sur le bonnet – il ornait alors le chapeau de paille et le chapeau en feutre verni depuis une cinquantaine d'années – n'intervint en effet réglementairement qu'au début de 1873. Mais il faut croire que nos matelots souhaitaient bien marquer leur appartenance à la division des marins détachés à Paris, qui tous étaient administrés par le vaisseau-école des canonniers Louis XIV mouillé à Toulon, lequel avait fourni le premier contingent de canonniers pour servir les pièces de gros calibre des forts et des batteries protégeant la capitale.
Roze participa à La Défense du fort de Montrouge, un fort particulièrement malmené à partir du 5 janvier 1871. Lors de la première journée de bombardement de ce jour, on compta plus de 800 obus reçus en vingt-quatre heures ; le 6, ce furent 70 coups de gros calibre par heure. Le capitaine de vaisseau Amet, commandant le fort, mit son personnel, ses munitions et son ravitaillement le plus possible à l’abri ; il renforça ses défenses (sacs de terre) et fit répondre ses pièces coup pour coup. Il fallait ne rien lâcher ! Le 11 janvier, en quelques heures, le fort de Montrouge reçut 600 obus de Châtillon ; le 17, c’était un monceau de ruines, comme le montrent ces deux photos de la collection du SHD à Vincennes.
La photo ci-dessous présente l'état-major du fort de Montrouge, autour du commandant Amet. Ce dernier est entouré d'officiers de marine, d'officiers d'artillerie de l'armée et du génie, ces derniers restant responsables de l'infrastructure. L'état-major de chaque fort comportait un aumônier et plusieurs officiers de santé de la marine.
Comme le lieutenant de vaisseau de la Panouse, le capitaine de vaisseau Amet porte une longue capote et non le caban à brandebourgs et capuche, qui est réglementaire depuis 1848. Ce dernier n'est en effet pas adapté au port du sabre et du revolver Lefaucheux de 1858.
Le capitaine de vaisseau Amet fut particulièrement distingué pour son énergie et son esprit de résistance. Il reçut un témoignage de satisfaction du délégué du ministre de la Marine dans Paris assiégé :
Monsieur le Commandant,
Au moment où vous venez de quitter avec votre équipage le fort que vous avez si héroïquement défendu, je tiens à vous exprimer les sentiments d’admiration que vous avez inspirés à vos camarades et à la population entière de Paris. La défense de la Capitale a été belle et parmi les brillants faits d’armées qui s’y sont passés, la lutte du fort de Montrouge aura une célébrité exceptionnelle et la Marine l’enregistrera dans ses fastes célèbres. Chacun de vos officiers et marins inscrira avec un juste orgueil sur ses états de service « J’étais au fort de Montrouge » et vous, leur noble chef, par votre énergie et votre bravoure, vous vous êtes créé des titres qui vous assurent la plus brillante carrière. Recevez, Monsieur le Commandant, l’assurance de mes sentiments de haute estime.
Signé : d’Hornoy
Il fut promu Commandeur de la Légion d'honneur pour ces faits d'armes et termina sa carrière comme vice-amiral, commandant en chef l'escadre de la Méditerranée.
La Défense de la capitale pendant son siège et la contribution des marins à la résistance pendant quatre mois et demi fera l'objet d'un chapitre de notre prochain ouvrage sur La Marine et les marins dans la guerre de 1870.
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