Nous nous arrêtons aujourd'hui sur ce portrait d'un jeune homme servant dans la marine au début du XIXe siècle. Ce tableau aurait été peint en 1807. L'identification est difficile.
C'est un marin militaire, sans aucun doute. Trois choses étonnent cependant. D'abord son attitude paraît bien désinvolte ; les portraits montrent souvent des attitudes martiales, parfois de la fougue, mais rarement un aspect volontairement négligé de la tenue. Ensuite les boutons paraissent être soit du modèle 1786, soit du modèle an VIII (1800), à moins qu'il s'agisse d'un bouton d'officier de vaisseau an XII, dont on ne verrait pas les deux glaives croisés sous l'ancre, ou encore du modèle 1816, dont on ne verrait pas bien le câble. Enfin, notre homme porte sur les épaules droite et gauche des sortes de trèfles uniformément en or (et non mêlés de bleu).
De quel grade peut-il s'agir et à quelle époque ? Certains pourraient penser qu'il s'agit d'un aspirant... Voyons ce qu'il en est.
En 1786, il n'y a pas d'aspirants mais des élèves et, quoiqu'il en soit, leur marque distinctive est l'épaulette "de drap bleu, liserée de deux tresses en or de deux lignes de large avec franges mêlées d'or et de soie bleue, portée sur l'épaule droite". Exit donc cette hypothèse.
Les aspirants font leur apparition en tant que tels dans un décret voté le 29 avril 1791. Ils peuvent être de trois classes d'après le décret du 17 septembre 1792, texte qui fixe un uniforme, mais sans distinctives particulières. Cet uniforme n'est pas modifié par le décret du 3 brumaire an IV (25 octobre 1795) qui confirme l'existence de deux classes d'aspirants et amende en revanche l'uniforme des officiers de marine. L'arrêté du 29 thermidor an VIII (17 août 1800) confirme l'existence d'aspirants sans en fixer le nombre. Enfin, le décret du 7 prairial an XII (27 mai 1804), si important pour la définition de l'uniforme des officiers de marine sous l'Empire, est muet au sujet de celui des aspirants.
Le décret du 11 septembre 1810 – il ne figure que dans la revue maritime et coloniale volume 104 de 1890 – sur les aspirants précise qu'ils sont de deux classes. Le seul ajout relatif à l'uniforme de ce texte concerne les aspirants de 1re classe (épaulette et contre-épaulette d'enseigne de vaisseau). Rien sur les aspirants de 2e classe...
Pourtant, certains uniformologues donnent aux aspirants de 2e classe un trèfle au moins sur l'épaule gauche, ornement qui n'apparaît dans aucun texte réglementaire. C'est ainsi que Valmont, repris par Rousselot, le représente (à droite ci-dessous), trèfle en or mêlé de bleu, apparemment...
Le bouton de notre homme n'ayant pas les deux glaives croisés sous l'ancre des boutons d'officier de vaisseau an XII, nous pourrions exclure l'hypothèse d'un marin sous l'Empire, bien que la date donnée du tableau soit 1807...
L'ordonnance du 25 mai 1814 revient à l'appellation d'élève avec deux classes et celle du 31 janvier 1816, qui crée le Collège royal de marine n'indique aucun attribut à porter sur l'épaule, bien qu'on sache qu'un élève de 1re classe garde du pavillon portait l'aiguillette, supportée par un trèfle, sur l'épaule droite. Cependant, le texte précise que les élèves de 1re classe ont le rang de lieutenant en second d'artillerie. Cela pourrait à la rigueur leur donner l'épaulette et la contre-épaulette losanges et traversées d'une raie de soie, conformément à la notice du 5 décembre 1815 sur l'uniforme des officiers des troupes de toutes les armes de la Guerre. Mais de trèfles, point de trace...
On ne peut donc réellement conclure et que se perdre en conjectures. Un aspirant de 2e classe sous l'Empire ? Un élève de 2e classe au début de la Restauration ? Un peintre peu précis dans sa représentation (ayant oublié la soie bleue dans les trèfles) ? Et il reste la question du port du trèfle sur l'épaule droite...
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