Voici un portrait attribué au peintre Claude Arnulphy (1698 – 1786). Il représenterait le capitaine de frégate Louis-Philippe de Rigaud de Vaudreuil à qui le Musée national de la Marine, auquel appartient le tableau, attribue la croix de chevalier de l'Ordre de Saint-Louis en décembre 1721. La toile aurait été réalisée entre 1722 et 1738. Nous pensons cependant que ces différentes informations ne sont pas cohérentes.
Tout d'abord, il nous faut rappeler qu'il n'existe pas d'uniforme à proprement parler avant 1756, année à partir de laquelle le ministre de la Marine indique au commandant de la marine à Brest que le Roi consent à attribuer un uniforme aux officiers de vaisseau du Ponant. L'uniforme n'est généralisé qu'en 1764. Cela ne veut pas dire qu'avant il n'en existait pas, mais que les galons et passementeries n'étaient pas codifiés : en fonction de l'aisance financière des intéressés, ils pouvaient pratiquement orner leur justaucorps bleu comme ils l'entendaient.
Autant que nous puissions en juger, nous sommes ici en présence d'un uniforme de capitaine de frégate de 1756 ou 1764 : large galon de 54 mm, qui ne semble pas doublé sur les manches, absence d'épaulettes donc avant 1768.
Il ne s'agirait donc pas de Louis-Philippe de Vaudreuil, ni de François Pierre de Vaudreuil, mais de Louis (Pierre-Louis) de Vaudreuil, chevalier de Saint-Louis en 1757 (cf. Dictionnaire des décorés de l'Ordre royal et militaire de Saint-Louis de Jean-Jacques Lartigue), officier qui a combattu en Amérique entre 1776 et 1783 et est donc membre de la société des Cincinnati). Né en 1728, Louis de Rigaud de Vaudreuil fut promu lieutenant de vaisseau en 1756, puis capitaine de frégate en 1764, capitaine de vaisseau en 1771, et enfin chef d'escadre en 1782 (cf. États de la Marine de 1759 à 1790).
Ce magnifique tableau aurait donc été peint entre 1764, année de la promotion au grade de capitaine de frégate et 1768, année où cet officier aurait porté des épaulettes, soit plus de 30 ans plus tard que l'estimation du MnM.
Cet uniforme est à rapprocher de celui de capitaine de vaisseau en 1756 (deux galons sur les manches) présenté par Jean Boudriot et Michel Pétard dans leur ouvrage de référence Marine royale. XVIIe – XVIIIe siècles. Uniformes, équipement, armement.
Cet exemple d'identification d'un officier de vaisseau montre que l'uniformologie a sans doute beaucoup à apporter aux musées...
Absolument d'accord. D'ailleurs, regardez aussi le portrait de cette même personne sur Geneanet, portrait qui à mon avis soulève la question si le portrait conservé au MnM ne doit pas être considéré comme la copie d'un original...? En tout cas - et peut-être que c'est juste moi - , ce portrait sur Geneanet me semble plus authentique que celui du site du MnM. Je ne pense pas non plus qu'il s'agisse d'un seul et même portrait (avant et après restauration), car à mon avis il y a de nettes différences ...
https://gw.geneanet.org/jfdutar?lang=fr&n=de+rigaud+de+vaudreuil&oc=0&p=louis