top of page
Rechercher
marine-maubec

Un Granvillais vice-amiral, Georges-René Pléville-Le-Pelley

Voici un beau capitaine de vaisseau avant 1786 exhibant une soupière... De qui et de quoi s'agit-il ?

Il s'agit de Georges-René Pléville-Le-Pelley qui exhibe le trophée que la Royal Navy lui avait adressé en témoignage de reconnaissance pour avoir porté assistance, en mettant sa vie en danger, à la frégate HMS Alarm.

La vie de cet officier de vaisseau ayant d'abord servi au commerce et sur navires corsaires mérite d'être contée.

Né à Grandville, Pléville commença sa carrière comme mousse à douze ans pour échapper à sa famille. Il fit plusieur campagnes de pêche à la morue et se retrouva second d'un petit navire corsaire à dix-huit ans. Lors d'un combat il perdit sa jambe droite, emportée par un boulet et fut fait prisonnier. A son retour en France, avec sa jambe de bois, il obtint d'embarquer sur les bâtiments du Roi avec le grade de lieutenant de frégate, ce qui ne signait pas pour autant son accès au Grand Corps des officiers de vaisseau, car ce grade assorti du qualificatif "auxiliaire" était attribué aux officiers désireux de servir dans la Marine royale, sans être passés par les gardes marines, donc aux officiers dits "volontaires".

Après avoir été prisonnier, embarqué à bord du Mercure en 1746, il eut sa jambe de bois emportée par un boulet lors d'un nouveau combat contre les Anglais : "Le boulet s'est trompé ; il n'a donné de besogne qu'au charpentier" déclara-t-il à son commandant qui, le voyant chuter, s'était enquis d'une éventuelle blessure... Corsaire à nouveau, il fit huit prises, fut fait prisonnier mais s'évada. En 1758, désormais commandant d'une corvette, sa jambre de bois fut une nouvelle fois atteinte par un boulet. Cette fois, ses blessures le contraignirent de servir à terre.

En 1770 il était lieutenant de port – grade équivalent à celui de lieutenant de vaisseau, avant de disparaître en 1786 – à Marseille, lorsqu'il sauva l'Alarm après avoir sauté à la mer par un temps exécrable et rejoint le bâtiment anglais qui menaçait de sombrer sur les rochers (à la nage, le tout avec une jambe en moins !). Son action permit le passage d'une ligne qui fut halée à terre, ce qui fit rentrer la frégate dans le port, d'où la récompense qu'il montre sur le tableau.

Pléville porte ici l'uniforme défini en 1764, complété en 1770 par le port des épaulettes à grosses torsades. Le tableau fut peint après janvier 1776, date de sa promotion au grade de capitaine de port (le 19 septembre 1773, il avait été fait chevalier de l'Ordre royal de Saint-Louis).

Il reprit du service à la mer en 1778, commandant alors le vaisseau Languedoc sous les ordres de l'amiral comte d'Estaing. Il fit toute la campagne d'Amérique sur ce vaisseau. A l'issue de celle-ci, il fut nommé capitaine de vaisseau, nomination sans impact sur son uniforme, mais reconnaissant désormais son appartenance au Grand Corps.

Sur le portrait ci-dessous (musée d'art et d'histoire de Granville), aux couleurs un peu vives, il porte en plus de la croix de Saint-Louis le Bald Eagle au ruban bleu liseré de blanc, créé le 13 mai 1784 pour distinguer les membres de la société des Cincinnati, c'est-à-dire les officiers qui avaient participé aux opérations de la guerre d'Indépendance américaine.

Ayant démissionné en 1789, il reprit du service et commanda une division navale en Méditerranée en 1793-1794, puis fit partie de différents comités au cours des années qui suivirent. Pléville fut nommé ministre de la Marine en 1797, promu deux mois plus tard contre-amiral, puis vice-amiral l'année suivante. Son état de santé, mais surtout son opposition à l'expédition d'Égypte, le contraignirent à la démission. Une fois rétabli il fut nommé au commandement de l'armée navale de Toulon, commandement qu'il ne put définitivement pas assumer tant ses infirmités ne le permettaient plus.

Cependant, en 1799, il fut fait sénateur et, en 1805, Grand Officier de la Légion d'honneur, mais peu après il mourut de maladie à près de quatre-vingts ans.

Il existe d'autres représentations connues de Georges-René Pléville-Le-Pelley ; nous pouvons en commenter deux au plan de l'uniforme.

La première est la statue en bronze que la ville de Granville avait érigé pour immortaliser son héros mais qui fut fondue au cours de la Deuxième Guerre mondiale. Elle nous montre Pléville dans une tenue qui s'apparenterait au petit uniforme des officiers généraux du 20 thermidor an VI, brodé et avec collet rabattu, lequel disparaît en prairial an XII. Mais il est difficile d'être plus affirmatif compte tenu de l'absence de couleurs et, surtout, nous nous attendrions plutôt à voir un habit à coupe croisée et à deux rangées de boutons, ainsi que le montre le portrait de Bruix au centre (collection du château de Versailles)...

La seconde est une gravure (ci-dessus à droite) qui le représente en habit de cérémonie de vice-amiral, lequel devrait être conforme au décret impérial du 7 prairial an XII (adaptation aux amiraux du règlement du 1er vendémiaire an XII traitant des officiers généraux de la Guerre), puisque l'intéressé est décédé le 5 octobre 1805. Mais, comme souvent dans les gravures de l'ouvrage Biographie des marins célèbres, de Hennequin paru en 1836, dont elle est issue, les uniformes sont plus conformes à l'ordonnance du Roi du 14 août 1816... et nous ne parlons pas de l'âge de l'intéressé : décoré de la Légion d'honneur, il devrait ici avoir près de 80 ans alors qu'il ne les fait pas sur le dessin...

Toutes les informations ayant permis la rédaction de ce billet sont issues du livre cité ci-dessus, du Dictionnaire des marins français, d'Étienne Taillemite, et de notre ouvrage Les marins français. 1789 - 1830. Étude du corps social et de ses uniformes qu'il est toujours possible d'acquérir.

169 vues0 commentaire

Posts récents

Voir tout

Comments


Post: Blog2 Post
bottom of page