Voici un joli lot équipage qui a été récemment adjugé à 1 300 euros, hors frais, preuve s'il en était besoin de la rareté des effets des matelots et quartiers-maîtres avant la Première Guerre mondiale. Rappelons que ce qui explique la rareté de ces effets est leur réemploi par les inscrits maritimes au cours de leur vie de pêcheur, de marin au commerce, puisqu'ils les emportaient chez eux une fois libérés de leurs obligations militaires. La chemise en molleton pouvait ainsi être vêtue sans galons et sans les ancres écarlates croisées qui, en 1879, avaient précisément été ajoutées en haut de la manche droite pour bien distinguer les hommes de la Marine de l'État et ceux qui n'en faisaient plus partie.
Il est toutefois peu probable que cet ensemble ait eu le même propriétaire ; en attestent d'ailleurs les différents matricules portés sur les effets.
La chemise en molleton était incontestablement l'effet majeur de ce lot avec ses deux galons façon "cul-de-dé", ses ancres croisées, son étiquette portant à la fois les éléments relatifs à sa taille et à sa fabrication (B7 90, au 4e trimestre 1913 à Brest) et à son propriétaire (107 715e marin engagé volontaire à Brest depuis 1856).
Et tout cela sans compter l'insigne de pilote de la flotte, lequel interpelle un peu dans sa forme.
Les pilotes brevetés de la flotte existaient depuis 1865 ; avant, depuis l'Ancien Régime, il n'y avait que des pilotes côtiers. Le premier insigne de pilote breveté de la flotte avait été créé en 1867 ; il fut confirmé en 1887, alors qu'il existait trois classes de pilotes, la 3e étant assimilé au second maître. Mais cet insigne n'était prévu que sur le col et donc uniquement sur le veston des seconds maîtres, maîtres et premiers maîtres pilotes ou sur la redingote des deux derniers grades. Car en 1887, comme en 1909, lors de la transformation des grades de pilotes (1re, 2e et 3e classes) en grades "normaux" (respectivement premier maître, maître et second maître), il n'était pas prévu que l'on accèdât à la spécialité de pilote en tant que quartier-maître... Pourtant, cela fut sans doute possible, comme un temps la Marine permit à certains quartiers-maîtres d'accéder au brevet supérieur. Notons simplement ici que le dessin des câbles des ancres ne respecte pas le dessin réglementaire.
Dans ce lot figurait également un col bleu amovible qui fut introduit réglementairement en 1911 – avant, il était solidaire de la chemise blanche. Il comporte un numéro de matricule différent de celui de la chemise en molleton (49 664e marin engagé à Toulon) ; il fut fabriqué à Toulon au 4e trimestre 1913.
Le bonnet présentait également un certain intérêt avec son ruban légendé Bretagne (bâtiment école accueillant l'École des mousses), mais au matricule malheureusement invisible. Il est du modèle 1911, tout comme son ruban, les ancres étant désormais imprimées en or d'emblée "diamant contre diamant" (le marin n'a pu à adapter et coudre son ruban de manière à obtenir cet effet "diamant contre diamant" devenu réglementaire en 1891, ce qui signifiait la fin des bouts flottants).
Enfin, plusieurs sacs des modèles décrits en 1858 étaient à vendre dans le même lot, décorés par leurs propriétaires comme bien souvent. L'un des grands sacs et le petit appartenaient au 9 649e marin recruté à Toulon, donc bien antérieur au quartier-maître pilote de Brest.
Un lot intéressant au bilan, mais bien onéreux !
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