Aujourd'hui, la reconstitution historique n'est pas toujours prise au sérieux. C'est toutefois dommage car l' "histoire vivante" permet d'intéresser à l'histoire au moins le jeune public. Il est rare que les autorités gouvernementales fassent officiellement appel à des équipes de reconstitution dans le cadre de cérémonies de commémoration, ce qui nous paraît normal. Néanmoins, ces équipes y trouvent parfois leur place sans oeuvrer en appui d'un message officiel et leur présence est très généralement appréciée du public.
En 1930, pour le centenaire de la conquête de l'Algérie, le Gouvernement avait de toute évidence choisi de mettre en valeur, en Algérie, puis en métropole, les corps de l'Armée et de la Marine ayant participé à l'expédition de juin-juillet 1830.
C'est ainsi que, le 14 juillet 1930, les Parisiens purent admirer avenue Alexandre III et place de la Concorde le défilé de marins, vraisemblablement matelots, quartiers-maîtres et seconds maîtres de la marine nationale, d'une compagnie de débarquement dans l'uniforme en vigueur au début de la conquête.
Ces photos nous donnent l'occasion de revenir sur l'uniforme réglementaire en 1830. Nos marins, ayant à leur tête un second maître, à l'uniforme identique à celui des matelots et quartiers-maîtres et se distinguant uniquement par son galon or à lézarde, sont vêtus en grand uniforme du paletot en drap bleu de roi (avec des pattes de col écarlates), du pantalon en toile blanche, des demi-guêtres en toile et du casque à chenille adopté en 1828. Le sabre briquet du modèle 1816 est suspendu à un ceinturon qui paraît ici en buffle blanc : était-ce le modèle porté réglementairement pour débarquer, le modèle rayé bleu et écarlate étant réservé pour les cérémonies ? Difficile de prendre position, à la lumière des oeuvres des illustrateurs (Rousselot à gauche ci-dessous) et des clichés de mannequins des frères Brunon (à droite ci-dessous), tous deux largement postérieurs, qui s'opposent sur ce point.
Semble-t-il magnifique, ce défilé commémoratif officiel pose la question de l'authenticité des effets portés : s'agit-il de pièces "historiques" ou de pièces confectionnées pour l'occasion ? L'Etat a-t-il monopolisé les ressources résiduelles de quelques dépôts poussiéreux des ports ou les collections des musées, peut-être moins sourcilleux quant à la conservation de leurs collections qu'aujourd'hui, ou aurait-il fait fabriquer des copies de qualité qui circuleraient encore actuellement ? Question ouverte tant pour les textiles que pour les coiffures...
Ce 14 juillet, aux côtés des marins, qui ont de toute évidence été pris pour des hommes du génie par le quotidien "Le Journal" dans son édition du 15 juillet, ont défilé en uniformes d'époque des fantassins du 14e régiment d'infanterie de ligne, des cavaliers du 13e chasseurs à cheval, des gendarmes, des soldats du trains des équipages et ensuite des militaires de la Monarchie de Juillet, du Second Empire et du début de la 3e République (légionnaires, zouaves, ...).
On voit encore nos marins, vraisemblablement lors de leur préparation, dans une caserne, en Algérie – car il semblerait qu'ils aient aussi défilé en Algérie – ou en métropole (observés par un zouave au balcon).
Merci à notre ami Yves Martin, membre comme nous de la Sabretache, qui m'a communiqué ces clichés intéressants. Nous ignorons encore beaucoup des conditions de réalisation de cette reconstitution officielle. Si l'un des lecteurs de ce blog a des informations à ce sujet...
Vous pouvez découvrir davantage l'uniforme des marins à la fin de la Restauration dans notre ouvrage "Les marins français. 1789 – 1830. Etude du corps social et de ses uniformes".
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