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Les marins du bombardement du fort de Saint-Jean d'Ulloa et de la prise de Véra Cruz

Ce tableau est très connu (© Gérard Blot ; Réunion des musées nationaux). Il a été peint par Horace Vernet en 1840-1841.

Rappelons tout d'abord les circonstances de ce combat des 27 et 28 novembre 1838 qui marque une confirmation incontestable du retour de la marine royale parmi les premières marines européennes – sa participation à la bataille de Navarin en 1827, puis l'expédition d'Alger en 1830 avaient déjà constitué des signaux importants – après le repli opéré par la Restauration qui l'avait laissé décliner au cours des années suivant l'Empire. Là, en 1838, il s'agit d'opérer loin, longtemps et contre la terre, suivant des modalités jusqu'alors impensables, les navires n'étant jamais parvenus à soumettre une forteresse hérissée de canons. Mais la marine dispose ici d'une nouvelle arme, le canon obusier de 30 (livres) du système Paixhans : le canon se charge toujours par la bouche, mais l'obus, encore sphérique contient une charge explosive. Ce type d'arme paraît faire merveille sur le tableau ci-dessous. Autre nouveauté : deux petits vapeurs (Météore et Phaéton) vont permettre de faciliter la manoeuvre des bâtiments à voile ; pour que l'artillerie soit toujours battante, les bâtiments doivent s'embosser, manoeuvre délicate à proximité immédiate des récifs.

La division navale française est commandée par le contre-amiral Baudin. La France intervient au Mexique pour protéger ses nationaux et son commerce, dans le cadre de ce qu'il est commun d'appeler "la guerre des Pâtisseries". Pour bombarder le fort de Saint-Jean d'Ulloa, Baudin met en oeuvre, outre les deux vapeurs, trois frégates (Néréide, Gloire et Iphigénie), une corvette (La Créole, commandée par le Prince de Joinville) et deux bombardes (Cyclope et Vulcain).

La ville de Véra Cruz, protégée par le fort, lequel est écrasé sous les obus et finit par se rendre, sera prise grâce à une descente à terre des trois compagnies d'artillerie de marine embarquées et des compagnies de débarquement des bâtiments de l'ensemble de la division (en plus des bâtiments déjà nommés, une frégate, deux corvettes, dix bricks, un transport et deux gabares). On notera que le duc de Wellington déclara peu de temps après au Parlement à Londres que la prise de la forteresse de Saint-Jean d'Ulloa par la division des frégates françaises était le seul exemple qu'il connût d'une place régulièrement fortifiée, prise par une force purement navale.

Il paraît intéressant d'examiner les uniformes de ces marins. La scène du bombardement du fort se déroule un an après la parution de l'importante ordonnance du 20 juillet 1837 qui va fixer l'uniforme des officiers de vaisseau jusqu'en 1848.

Nous distinguons ici deux officiers sur la dunette de La Créole, dont le prince de Joinville. Ce dernier est capitaine de corvette depuis le 28 mai 1838 (il avait été promu lieutenant de vaisseau le 1er août 1836 et il sera promu capitaine de vaisseau – à l'époque, le grade de capitaine de frégate n'existe plus – le 10 février 1839 : une ascension fulgurante, comme toujours pour les princes de sang). Il paraît donner des instructions à son second ou à son aide-de-camp, lieutenant de vaisseau, au vu des épaulettes. Ce sont respectivement les lieutenants de vaisseau Pénaud et Desfossés. Ce dernier aura ensuite une carrière magnifique puisque Napoléon III fera de lui un de ses amiraux (de France).

Le Prince paraît étrangement vêtu, avec un paletot ou un habit-veste (sans basques) qui est complété d'épaulettes, et d'un chapeau haut-de-forme. L'habit-veste sied normalement aux élèves ; son port n'est pas prévu au-delà de ce grade ; il ne reçoit pas d'épaulettes, en principe ; ici, elles ont probablement un corps argent et des grosses torsades or. Son second ou son aide-de-camp est lui en tenue tout à fait réglementaire : petite tenue de bord avec habit non brodé et casquette au galon or uni de 40 mm de largeur. Pour ce qui est du haut-de-forme du Prince, son port a été fréquent par les jeunes officiers depuis l'Empire : peut-être s'agit-il ici d'une survivance, mais pourquoi de cette couleur ? Le prince, par ailleurs excellent marin, paraît s'être accordé des dérogations en matière de tenue, à moins que le peintre n'ait pris quelques libertés, mais ce n'est pas sûr, au vu des dessins du prince lui-même, qui sont reproduits dans son livre Vieux souvenirs 1818 – 1848.

Sur le tableau de Vernet, les autres personnages portant des casquettes sont probablement des officiers mariniers, maîtres ou seconds maîtres vêtus du paletot bleu.

Quant aux matelots, sur le pont ou dans les embarcations, ils portent la chemise blanche et le pantalon de même couleur. Point remarquable, le chapeau de paille les coiffe depuis 1835.

Si Horace Vernet a peut-être pu prendre quelques libertés, c'est, comme souvent, bien pire du côté de l'imagerie Pellegrin d'Épinal : pantalons rouges pour les officiers de marine, bordures dorées de leurs basques. Et les matelots ressemblent curieusement à ceux de la fin des années 1820, avec le casque à chenille qui a en fait été totalement abandonné en 1836 et n'était porté au cours des dernières années que pour les gardes, revues et prises d'armes. Mais il est vrai que l'imagerie populaire n'avait pas à être exacte mais se devait de diffuser facilement, et surtout magnifier les succès militaires, objectif commun avec les peintures commandées par le régime pour glorifier la Monarchie de Juillet.



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