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Un capitaine de vaisseau devenu en 1870 général de division à titre auxiliaire

Découverte par Soldaademohler Figurines que nous remercions, voici une très intéressante photographie d'un officier de la marine initialement non identifié. Pour tenter de donner un nom à cet officier, les sept galons et trois étoiles portées au bas des manches nous ont conduit naturellement à considérer les officiers promus généraux à titre auxiliaire au cours de la guerre de 1870-71.

La ville du photographe – Besançon – nous a conduit à la solution : il s'agit du capitaine de vaisseau Rolland, nommé général de division à titre auxiliaire par le ministre de la Guerre, qui lui confie la défense de la ville avec le commandement de la 7e division militaire.

Pendant ce conflit, le nombre de généraux tombés aux mains des Allemands est tel – tout particulièrement à la suite de la reddition de l'armée du maréchal Bazaine réfugiée à Metz – que nombre d'officiers de marine vont servir à terre, à la tête de formations de la Guerre. Cette disponibilité des officiers de marine est la conséquence du refus de la petite marine de la Confédération de l'Allemagne du Nord de se mesurer à la flotte française qui se trouve dès lors peu utilisée, ou plus exactement nettement moins que si la France avait eu sur mer un adversaire à sa mesure...

Ainsi, dans les rangs de l'armée, on trouvera au moins 17 capitaines de frégate, capitaines de vaisseau, contre-amiraux et vice-amiraux transformés le temps de la guerre en généraux de brigade et de division. Parmi ceux-ci figurent des noms connus d'officiers qui feront ensuite une belle carrière dans la marine de la Troisième République : Jauréguiberry, Penhoat, Goujard, Aube, Jaurès...

Ce ne sera pas le cas de Rolland. Nous empruntons à Georges Gugliotta (article "Le capitaine de Vaisseau Rolland : un marin défenseur d’une place forte" paru dans "Hommes, idées, journaux" en 1988) quelques éléments de biographie.

Marius Henri Rolland est né à Marseille en 1821. Il entre à l'École navale en 1836. Après un début de carrière moyen, il se distingue par son énergie et son courage lors du siège de Sébastopol, ce qui lui vaut d'être promu au grade d'officier de la Légion d'honneur puis de recevoir des affectations de choix. En 1861, capitaine de frégate, il est désigné au commandement du Napoléon, vaisseau à hélice de 90 canons. Il participe ensuite à la campagne du Mexique en commandant des bâtiments de transport. Capitaine de vaisseau en 1868, le début de la guerre de 1870 le trouve à Marseille. Après les revers subis par l'armée, il demande au gouvernement de la Défense nationale, comme nombre de ses camarades, de combattre à terre. Il est ainsi nommé le 15 octobre 1870 général de brigade à titre auxiliaire, chargé du commandement de la subdividion de la Haute-Saône, puis le 30 novembre 1870 général de division chargé du commandement de la 7e Division militaire à Besançon.

En peu de temps, « le Père Rolland » transforme en soldats de forteresse ses gardes nationaux et ses corps francs, les fait travailler, comme Denfert Rochereau à Belfort, aux ouvrages extérieurs rendus indispensables par les progrès de l’artillerie, arme les vieux remparts et ses fortins de pièces de marine apportées en toute hâte de Toulon et fait régner une discipline impeccable dans la nombreuse garnison qui compte sous ses ordres deux généraux de division et sept généraux de brigade. Il dispose par ailleurs de 18 officiers de la marine et de 918 marins regroupés au sein du 2e bataillon de génie auxiliaire.

La place va résister vaillamment sans connaître un seul moment de défaillance jusqu’au 15 février 1871, date de la fin des hostilités. Le 2 juillet 1871, Rolland est promu commandeur de la Légion d'honneur.

Fatigué par de longues périodes d'embarquement, des campagnes et les privations de la guerre, le capitaine de vaisseau Rolland – il est rare que les grades auxiliaires soient attribués définitivement au sein de la marine – se retire à Marseille en 1876. Il mourra en 1908.

Au plan de l'uniforme, examinons les quelques bizarreries liées aux circonstances :

Du fait des hostilités, certains généraux de l'armée promus n'ont pu se faire confectionner ou acquérir les effets de leurs grades ; c'est encore plus vrai pour les officiers de marine promus généraux loin des ports et de leurs tailleurs. Il est assez courant de voir deux étoiles apposées sur six galons pour les brigadiers, et trois étoiles apposées sur sept galons.

Notons ici que Rolland porte une capote, et non une redingote, qui n'est aucunement de marine, mais plus certainement d'infanterie de marine et que ses étoiles sont alignées et nos placées en triangle, comme le représente sur sa toile le peintre Tirode ci-dessus à droite. Ses épaulettes de capitaine de vaisseau – le corps des épaulettes est ici bien lisse, ce qui n'est pas le cas des épaulettes d'officier général – ont été ornées des trois étoiles de son grade temporaire.

Rolland porte le sabre (sur le tableau, le modèle comporte une seule bélière, pratique en vigueur de 1902 à 1912, période de l'exécution de l'oeuvre de Tirode), mais la disposition de la dragonne étonne et fait davantage penser à ce qui se pratique avec l'épée. L'arme paraît portée par un ceinturon en cuir (qui brille sous la lumière du photographe) avec une boucle de forme rectangulaire, aux coins "rognés", ce qui ne s'apparente même pas à celle en service dans l'infanterie de marine...

Quant à la coiffure, elle comporte l'ancre brodée sur la toque du modèle des officiers subalternes et supérieurs en vigueur à partir du 10 octobre 1870 (suppression des emblèmes impériaux). Son bandeau brodé paraît fantaisiste et, en tout cas, n'est pas conforme à celui en vigueur pour les amiraux depuis 1861 qui, sur le devant comporte un espace libre pour y placer les étoiles. Alors de quel type de broderie peut-il s'agir ? La définition de la photo ne permet pas de conclure.

Une fois encore, à la guerre, il faut savoir s'adapter aux circonstances.

Nous retrouverons Rolland et bien d'autres officiers et sans grade dans notre futur ouvrage sur les marins pendant la guerre de 1870-71, sur lequel nous travaillons...


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