L'instruction des canonniers à bord du vieux vaisseau-école La Couronne en 1901
- marine-maubec
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Ce fut en 1837 que la Marine décida de créer une école flottante de canonnage sur les corvettes Alcmène et Sabine. En 1840, la frégate Amazone leur succéda. Il y eut ensuite dans ce rôle une longue lignée de frégates et de vaisseaux, notamment le Louis XVI dont le personnel contribua grandement à la défense de Paris en 1870-1871.
En 1901, c'était la frégate cuirassée la Couronne qui accueillait l'école de canonnage mais aussi de timonerie (pour cette spécialité, en plus du transport Calédonien). Pourtant, c'était un bâtiment ancien, assurément démodé, du même type que la Gloire mais construit intégralement en fer et admis au service actif en 1862.
Son armement fut plusieurs fois adapté aux évolutions de l'artillerie. En 1876, elle reçut 8 canons de 240 mm modèle 1870 et 4 de 190 mm. Il fut adapté au rôle de bâtiment-école à partir de 1885 pour instruire les canonniers. Cette évolution de l'artillerie se poursuivit donc et la photo ci-dessous nous montre le commandant, le capitaine de vaisseau Krantz, et deux officiers discutant avec un officier d'artillerie de l'artillerie coloniale, instructeur, autour d'une pièce de 164,7 mm sous masque du modèle 1893.
En 1901, La Couronne était un vrai "musée" de l'artillerie, disposant de 3 canons de 164,7 mm, 14 canons de 138,6 mm, 9 canons de 100 mm, toutes pièces de divers types représentatifs de toutes les modifications qu'elles avaient pu subir, et de nombreux canons de 65, 47 et 37 mm. On imagine la difficulté logistique induite par la multiplicité des calibres équipant les navires de la flotte. La Couronne participa à l'instruction des canonniers jusqu'en 1908.

Le lieutenant de vaisseau qui présente la pièce dont la culasse est ouverte est en tenue n°5 définie le 3 juin 1891, avec ici le veston à coupe droite introduit le 8 août 1889. C'était alors la tenue de travail la plus ordinaire ; elle n'était pas très seyante, mais plus adaptée au service à la mer que la redingote. Remarquons que les deux officiers supérieurs, eux aussi en tenue n°5, ont préféré la redingote...
La photo suivante nous présente La Couronne sous le grand pavois, qui à l'époque devait être long à installer, moins cependant que sur les autres bâtiments puisque le bâtiment-école disposait de nombreux élèves timoniers. Au sujet du grand pavois, le lecteur pourra se reporter à l'article que nous lui avons consacré : https://www.marins-traditions.fr/_files/ugd/c3f5ca_fb25a9678ceb4380bc99e33a19703f59.pdf

L'instruction des canonniers à bord était à la fois théorique et pratique.
Pour ce dernier volet, il fallait exercer les apprentis-canonniers au pointage grâce à un chevalet ou à un "tube de tir" (photo de gauche ci-dessous). Il était ensuite important de les entraîner à soutenir une certaine cadence de tir ; au centre ci-dessous a lieu un tir au canon de 100 mm (les canonniers devaient être capables de soutenir une cadence de 10 coups par minute). Les canonniers s'entraînaient à la mise en oeuvre de tous les types de pièces, bien que la mise en oeuvre de l'artillerie de petit calibre relevât alors en principe des fusiliers. A droite ci-dessous des canonniers s'entraînent à la mise en oeuvre d'un canon porte-amarre, qui était de 65 mm, comme ceux mis à terre par les compagnies de débarquement. Nous sommes loin du MAS 36 ou du FAMAS lance-amarre...
Après les journées de tir à la mer en rade d'Hyères, les marins faisaient la fête. Le tableau de service était adapté pour décompresser et y intégrer quelques distractions comprenant musique et danse (parfois de couple, entre hommes !). Ci-dessous, les marins bretons, loin de chez eux, s'adonnent à une ridée bretonne traditionnelle. On remarque le caractère décontracté des tenues qui sont très diverses : grande tenue avec brelage pour les factionnaires qui viennent d'être relevés, tenue de travail avec ou sans vareuse en toile rousse (marins en tricot rayé). Parmi les spectateurs, au centre, se trouve un mécanicien reconnaissable à son veston en toile bleue.

Le dimanche matin avait lieu le défilé des élèves. En dépit de la relative exiguité du pont, les huit escouades ou compagnies de canonniers, chacune ayant à sa tête un lieutenant de vaisseau breveté, un lieutenant de vaisseau et un enseigne de vaisseau en formation de spécialité, et l'escouade d'apprentis-timoniers défilaient sur quatre rangs devant le commandant et l'état-major postés sur le gaillard d'arrière.

En plus du cours des apprentis-canonniers, destiné à attribuer aux jeunes marins le brevet de canonnier, était également organisée une école des vétérans destinée à recycler les quartiers-maîtres et seconds maîtres canonniers sur les nouveaux matériels.
Retirée du service actif en 1911, démâtée, La Couronne eut encore à servir pendant de longues années, devenant caserne-atelier central de la flotte à Toulon jusqu'en 1931. Elle fut finalement vendue pour démolition à La Seyne en 1933, opération qui fut achevée en 1934.
Au bilan, c'est donc pendant 69 années que la Marine exploita ce bâtiment !
Les clichés et les informations de ce billet sont principalement issus de la livraison du 30 juin 1901 du magazine Armée et Marine.
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