- marine-maubec
Deux beaux physionotraces en couleurs de Quenedey, mais une identification difficile !
Voici deux profils au premier abord d'officiers de vaisseau, mais qui posent questions. Tentons leur identification (grade et millésime).
Le premier est attribué à un "capitaine de vaisseau Pichon de la Trémondrie" ainsi que l'indique le musée Carnavalet qui détient ce physionotrace en noir et blanc. L'épreuve en couleur aurait été réalisée à la mi-1792.

Nul doute qu'il s'agit d'un militaire de l'époque révolutionnaire : le baudrier porte-sabre à l'ancre évoque cette période. Mais cette disposition n'avait pas cours avant pluviôse an I (1793)...
Autre problème, nous ne trouvons aucun officier de vaisseau de ce nom dans les listes des officiers de vaisseau arrêtées par le roi, en exécution de la loi du 15 mai 1791 (ni dans les Etats de la Marine de 1787 à 1790, d'ailleurs).
Enfin, à la mi-1792, le texte définissant l'uniforme est encore l'ordonnance de 1786. Or l'habit de capitaine de vaisseau est alors richement brodé, qu'il soit de grand ou de petit uniforme... Cela ne colle absolument pas.
Faisons l'hypothèse que ce portrait a été réalisé après le décret de septembre 1792. Mais nous faisons face à un autre problème : l'habit est bien de coupe droite, mais son collet est en principe droit et de couleur blanche... Ce qui n'est pas le cas ici.
Poursuivons l'investigation avec le décret de pluviôse an I.
Rappelons que, pour les officiers de vaisseau, il n'y a alors plus un grand et un petit uniformes, mais un uniforme unique. Mais il ne peut s'agir de l'uniforme de pluviôse an I puisque l'habit de ce dernier ne comporte pas de revers et que son collet n'est pas blanc. Il faut peut-être ensuite se pencher sur le décret de brumaire an IV sur l'organisation de la marine militaire, qui n'est cependant par très précis, mais paraît correspondre avec une doublure rouge et un collet rabattu écarlate. Toutefois, l'habit de brumaire an IV possède en principe des revers... revers apparemment conservés sur l'habit de fructidor an VII. Alors, le dessinateur aurait-il oublié ces revers et les boutons ?
Quant au grade de l'intéressé, il paraît ne pouvoir être que subalterne puisqu'aucune broderie n'apparaît au collet. Il s'agirait donc d'un lieutenant de vaisseau ou d'un enseigne. Comme il n'a pas de rouge sur son épaulette gauche, ni en losanges, ni en filet tressé, nous pencherions pour un lieutenant de vaisseau. Mais pourquoi cette épaulette gauche à franges à graines d'épinard est-elle représentée mi-or mi-argent ?
Autre hypothèse alors, à partir de la nature de l'épaulette : il pourrait s'agir d'un adjudant sous-officier (épaulette à frange paillettes panachées rouge et argent ou or, avec deux galons longitudinaux argent ou or) d'artillerie de la marine... Pourtant, le décret de brumaire an IV sur l'établissement des troupes d'artillerie de la marine donne à tous les grades un habit avec revers...
Pour ce premier physionotrace, l'identification se conclut donc par un échec.
Le deuxième physionotrace pose également question.
Le collet rouge et droit nous inclinerait à penser à un aspirant (décret de septembre 1810). Sur ce collet rouge d'habit de grand uniforme, les aspirants sont en effet les seuls à ne pas porter les boutonnières brodées. Mais l'épaulette intrigue. Seul l'aspirant de 1re classe la porte, mais celle-ci devrait avoir un corps en soie bleue bordé d'un galon or... Et nous n'avons jamais vu d'épaulette avec deux liserés rouges...

Une autre idée mérite d'être explorée, celle de l'artillerie de la marine. Car il est douteux que l'artiste ait parfaitement représenté le motif des boutons. Bien que l'épaulette paraisse à franges à grosses torsades, nous retiendrions plutôt l'hypothèse du sous-lieutenant dont l'épaulette est coupée de deux bandes rouges...
Les portraits ci-dessous, trouvés sur Internet, corroboreraient les hypothèses relatives à l'artillerie de la marine, surtout celui de gauche..
Les spécialistes qui ont des idées voudront bien les partager en commentant, sur le site, cette publication.
Ces investigations ont été effectuées en se fondant sur notre ouvrage "Les marins français. 1789 – 1830. Etude du corps social et de ses uniformes" dont des exemplaires restent disponibles !