En avril 1899, l'escadre française de la Méditerranée, composée de 22 bâtiments, fit une escale de huit jours à Cagliari "pour porter au Roi d'Italie le salut du Président de la République et le salut de la France, pour consacrer par une solennelle manifestation officielle le rétablissement des rapports de cordiale amitié, qui était tant désiré par tous les patriotes des deux pays...". Rappelons que l'unité italienne s'était achevée par la prise de Rome en 1870, à la faveur du retrait de la division française qui protégeait les États pontificaux, retrait rendu nécessaire par les défaites françaises du mois d'août en Alsace face à la Confédération de l'Allemagne du Nord et aux États allemands du Sud, que Berlin était parvenu à entraîner contre la France.
Rappelons également que la Triplice, alliance entre les empires allemand et autrichien et le Royaume d'Italie avait été conclue en 1882, Rome se rapprochant des deux empires, notamment suite au protectorat français imposé à la Tunisie en 1881, alors que l'Italie avait également des vues sur ce territoire. Tout cela pour souligner l'ampleur des différends franco-italiens à la fin du dix-neuvième siècle qu'allait atténuer la manoeuvre diplomatique à laquelle l'escadre française allait contribuer.
L'escadre était alors commandée par le vice-amiral Fournier. Il devait conclure le toast qu'il porta à la fin du déjeuner officiel offert à son homologue italien à bord du cuirassé Brennus par ces mots : "Nous avons l'assurance que les hommes éminents qui sont à la tête de la diplomatie de nos deux pays sauront trouver, par des concessions réciproques en matières commerciales et coloniales, les termes d'un accord fécond et durable entre les deux nations".
Au cours de l'escale, Cagliari accueillit le Roi d'Italie, Humbert Ier, ce qui donna encore plus de lustre à la présence de l'escadre française : le Roi, sur son yacht Savoïa, passa l'escadre française en revue, puis fut accueilli par l'amiral à bord du Brennus, le tout avec force cris de salut (7 "Hourra") et coups de canon réglementaires (21).
L'équipage défila sur le pont et l'état-major fut passé en revue par le Roi et la Reine que l'on voit ci-dessus (casque à plumet blanc, de dos) franchissant la coupée.
Les réceptions de chef d'État et les prises de commandement d'officier général faisaient partie des rares circonstances pour lesquelles le port de l'habit brodé (tenue n°1 définie en 1891) était prescrit. Les occasions étaient si rares que le ministre Pelletan aurait la "bonne" idée de supprimer l'habit brodé en 1903, jugé trop onéreux pour des officiers à la solde modeste. Jusqu'en 1912, les officiers de marine français feraient alors pâle figure en représentation à l'étranger, avec leur simple redingote à col fermé...
Voici la plage arrière du Brennus pendant le séjour du Roi d'Italie à bord. On y distingue plusieurs officiers supérieurs de corps assimilés indéterminés, officiers de cette catégorie car jusqu'en 1902 tous portaient l'écusson brodé de taille à l'arrière de l'habit. A partir de 1902, ce port serait l'exclusivité, en plus des officiers généraux, des officiers supérieurs des grades équivalents à celui de capitaine de vaisseau.
L'escale donna lieu à de nombreux échanges amicaux entre officiers français et italiens.
La photo suivante nous présente le vice-amiral Fournier, le capitaine de frégate Jousselin, attaché naval à Rome, et le lieutenant de vaisseau Pelloux, fils du Président du Conseil des ministres à Rome. Remarquons qu'à cette époque, les officiers de marine italiens avaient déjà adopté le col ouvert pour leur redingote alors qu'en France il faudrait attendre 1926 pour qu'il en soit de même.
Une réception des officiers italiens du cuirassé Andrea Doria par les officiers français du cuirassé Bouvet fut immortalisée par le cliché ci-dessous.
Après le déjeuner du 17 avril à bord du Brennus, l'amiral Fournier est quant à lui entouré des commandants des bâtiments italiens, mais aussi des chefs de corps des régiments tenant garnison à Cagliari, porteurs de képis. Les jeunes officiers assis au premier rang, aspirants de 1re classe porteurs des aiguillettes, pourraient être les aides-de-camp de l'amiral, mais rien n'est sûr puisqu'à cette époque les jeunes officiers de ce grade portaient tous les aiguillettes or.
Ces photographies sont issues de la revue hebdomadaire illustrée Armée et Marine.
تعليقات