Ce tableau représente la dunette du vaisseau Ville de Paris au cours du bombardement de Sébastopol le 17 octobre 1854. La dunette du bâtiment amiral vient de recevoir un obus d'un fort russe. Cet obus fit plusieurs victimes, dont des officiers de l'état-major du vice-amiral commandant en chef Ferdinand Hamelin. Par miracle, l'amiral et son chef d'état-major (capitaine de vaisseau Bouët-Willaumez) furent indemnes.
Nous sommes en pleine guerre d'Orient, dite "de Crimée". Après avoir été débarquées en Crimée, au nord de la rade de Sébastopol, les troupes françaises et britanniques furent contraintes de contourner le port par l'Est pour l'attaquer par le Sud. Ce changement d'idée de manoeuvre était motivé par l'impossibilité d'une attaque conjointe terrestre et navale du fait de la mise en place d'obstructions à l'entrée de la rade par les Russes (vaisseaux sabordés) : cette estacade faisait perdre une grande efficacité à la flotte conjointe franco-anglo-ottomane compte tenu de la portée de son artillerie et de l'impossibilité d'un assaut simultané par voie de mer. Une fois les premières batteries de siège mises en place au Sud de la ville, renforcées d'ailleurs par des pièces prélevées sur les vaisseaux, les généraux et amiraux commandants en chef (côté français, le général Canrobert et les vice-amiraux Hamelin et Bruat, commandant en chef respectivement l'escadre d'évolutions ou de Méditerranée et l'escadre de l'Océan) décidèrent de procéder au bombardement général du port et de ses défenses le 17 octobre 1854.
Pour réaliser efficacement un bombardement des forts de l'entrée de la rade, il était nécessaire de s'en rapprocher suffisamment, la portée des pièces embarquées dépassant difficilement 1500 m. Pour améliorer le rendement de leurs pièces, les Alliés décidèrent d'embosser les vaisseaux à deux et à trois ponts devant l'entrée à l'aide de frégates et corvettes à vapeur. Cette position devait permettre de rendre toutes leurs pièces battantes. Et elles le furent, mais la position immobile et en forte inclinaison des vaisseaux vis-à-vis des forts de la rade les mit dans une situation très inconfortable. Au bilan, l'avantage fut encore à l'artillerie des forts, d'autant que celle-ci avait été renforcée par les pièces des vaisseaux russes désarmés et mouillés au fond de la rade.

Sur ce tableau, nous voyons au moins trois officiers de l'état-major d'Hamelin – l'amiral est probablement au centre, une lunette à la main (à l'époque, la casquette des amiraux portait un large galon plein et leur grade ne se distinguait que par les étoiles apposées sur celui-ci) – victimes de l'explosion sous la dunette de l'obus russe. Ces officiers d'état-major se distinguaient par le port des aiguillettes sur l'épaule droite. Au bilan, parmi les hommes à terre se trouvaient le lieutenant de vaisseau Sommeiller, officier d'ordonnance, qui perdit la vie, et les lieutenant de vaisseau Grivel, Zedé et Garnault, aides de camp, qui ne furent que blessés.
On distingue également un officier les bras en l'air qui porte des galons argent. Il s'agit probablement du commissaire de l'escadre, le commissaire-adjoint Michelin.
Voici une autre représentation de la scène.

Et en prenant plus de champ, cette superbe lithographie due à Lebreton.

Voici les deux amiraux commandants en chef des deux escadres françaises présentes devant Sébastopol qui réalisèrent de concert avec les batteries terrestres le bombardement de ce port (Gallica / BNF). Ils sont représentés en habit de petit uniforme
Comme toutes les représentations de ce type, elles suscitent des critiques. Le corps des épaulettes du vice-amiral Hamelin se semble pas porter l'ancre. Les broderies du vice-amiral Bruat, ici en contre-amiral, sont quant à elles fantaisistes : les baguettes en dents de scie ne sont pas bien rendues ; les ancres sont invisibles aux parements et la position des ancres au collet est incorrecte (l'organeau devrait partir du coin du collet pour aller vers l'arrière).
Le 17 novembre suivant, alors que la mauvaise saison avait fait subir à la flotte alliée au mouillage un terrible ouragan et que la météo hivernale n'était plus propice aux opérations des flottes comme des armées à terre, ces dernières s'installèrent pour un siège durable. Le vice-amiral Hamelin décida dès lors de renvoyer dans le Bosphore tous les bâtiments avariés et inutiles sur place.
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