Nous présentons ici deux gravures et deux photographies du vice-amiral baron Grivel. Outre ses états de service qui devaient lui valoir une véritable vénération sous le Second Empire, ces deux clichés nous ont convaincu d'y consacrer un posts, car, si elles sont connues, elles sont néanmoins exceptionnelles au plan de l'uniforme.
Né à Brives en 1778, Jean Grivel a traversé de nombreux régimes. Il mourra en 1869.
La première partie de sa carrière est bien retracée dans ses mémoires dont nous recommandons la lecture.
Entré au service comme aspirant de 2e classe en 1796 sur la frégate de 32 canons Alceste, il participe à la campagne d'Egypte sur la corvette de 20 canons Badine sur laquelle il reste embarqué jusqu'en 1802 et qui le voit promu aspirant de 1re classe en 1798, puis enseigne en 1800, avant une campagne en Amérique. Sur la corvette de 12 canons Alerte, il fait une campagne au large de l'Afrique et en débarque peu avant que le bâtiment ne soit pris par les Anglais en 1803. Il est alors promu lieutenant de vaisseau et va commander plusieurs bâtiments de la flottille de Boulogne.
Il est ensuite affecté dans les marins de la Garde, unité d'exception dans laquelle se construira sa légende. Car il est de toutes les campagnes de ces "hussards de la mer" : Autriche (1805), Prusse (1806), Pologne (1807), Espagne (1808), où il est fait prisonnier pendant la bataille de Baylen. Interné sur les pontons de Cadix, il parvient à s'en évader et reprend du service en Espagne, en Allemagne (1813), campagne au cours de laquelle il est promu capitaine de frégate en France (1814) : il se distingue particulièrement pendant la bataille d'Arcis-sur-Aube. Il accède alors au grade de capitaine de vaisseau.
A la première Restauration, il demande à servir dans l'armée de terre, mais il reste inactif. Les Cent Jours lui font reprendre du service dans la marine ; il est alors envoyé à Marseille pour y faire arborer la cocarde et le pavillon tricolores. Il doit quitter la ville à la deuxième Restauration et se rend à Toulon pour se mettre sous la protection du contre-amiral Duperré, alors préfet maritime.
Sa conduite modérée pendant ces événements et son discours de loyauté au Roi, si ce dernier est en France – c'est pour lui une condition indispensable, car la preuve d'une absence de soumission aux intérêts étrangers –, lui permettent de poursuivre sa carrière dans la marine.
S'enchaînent alors les commandements de la corvette de 20 canons Espérance en 1817, puis de la station du Levant à laquelle ce bâtiment appartient, de la frégate de 46 canons Astrée de la station du Brésil en 1820, et de cette même station en 1824 avec pavillon sur le vaisseau de 74 canons Jean Bart – il a été promu contre-amiral cette même année.
Comme officier général, il exerce les fonctions de major général à Brest en 1826, puis à nouveau de commandant de la station navale du Brésil en 1829, de préfet maritime à Rochefort en 1832, puis à Brest en 1834 comme vice-amiral. Il reste à Brest jusqu'en 1846, année où il quitte le service actif ; il a alors 68 ans.
Entre temps il a été nommé Pair de France en 1845 et fait baron en 1846 par le Roi Louis-Philippe. Napoléon III le nomme enfin sénateur en 1858.
C'est donc un marin qui a servi sous tous les régimes, du Directoire au Second Empire !
Dans les deux gravures ci-dessus, celle de gauche présente Grivel en capitaine de vaisseau sous la Restauration, avant 1819, en petit uniforme de prairial an XII que le régime conserve jusqu'à cette année ; celle de droite le présente en vice-amiral, avec une fidélité probablement contestable vis-à-vis de la réalité : sous la Monarchie de Juillet, des ancres figurent au collet, sans compter celles des épaulettes !
La photographie suivante fait partie de la collection détenue par le Service historique de La Défense à Vincennes. Elle nous montre l'amiral ceint de son écharpe de Grand' Croix de la Légion d'honneur, dignité à laquelle il accède le 12 août 1853. Bizarrement, il ne porte pas la plaque correspondante, ni aucune de ses autres décorations : est-ce bien la Légion d'honneur qu'il porte ici ou une autre écharpe qui vient de lui être remise, ce qui expliquerait l'absence de ses autres décorations ? Son habit n'est pas celui de grand uniforme, peu porté par les contre-amiraux et vice-amiraux sous le Second Empire, mais celui de sénateur. Son épée n'est manifestement pas non plus un modèle réglementaire de marine... Le cliché a donc été pris après 1858 ; l'amiral a alors plus de quatre-vingts ans.
Voici un habit de sénateur, son pantalon et son bicorne à plume blanche, vendus il y a quelque temps sur le site de Bertrand Malvaux.
La photographie suivante est due à Nadar. Elle fait partie de la collection de la BNF.
Grivel est ici en uniforme de marin. Son habit n'est aucunement brodé et son chapeau est à plume noire, ce qui est conforme à la règle définie par le décret impérial du 27 février 1853 pour les officiers qui ne sont plus en activité. Son épée n'est pas du modèle réglementaire ; elle paraît posséder des plaquettes de fusée en nacre. Elle n'est cependant pas du modèle 1819 au vu de la forme de sa garde.
Outre de son écharpe et de sa plaque de Grand' Croix, l'amiral est décoré de la médaille de Sainte-Hélène instituée en 1857 et de l'Ordre de la Couronne de Fer.
Le poids des années se fait ici sentir, après une vie aventureuse et bien remplie. Une très belle carrière !
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